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Au coeur du Sénégal ... Le Fouta
28 mai 2011

* Les maccube (sing. maccudo)* Femmes Maccube du

 

* Les maccube (sing. maccudo)*

 

 

Chants Traditionnels des Femmes Maccubé - Festival Bamtaaré Lawré Gawdé Bofé

Femmes Maccube du village de Gawde Bofe

 

Une certaine verve populaire désigne parfois les maccube sous le vocable de majjube. Mais, majjube constitue à peine un calembour, tant il définit avec précision la situation sociale traditionnelle des esclaves toucouleur. En effet, majjube (sing. majjudo) signifie proprement « personnes égarées, qui ne retrouvent plus leur chemin » ou encore « personnes ignorantes, dépourvues des lumières ». Et dans l'esprit populaire ce terme de majjube, substitué à maccube pour nommer les esclaves, sera une allusion claire au fait que ceux-ci ont définitivement perdu jusqu'au souvenir de leurs premières origines sociales.

Les maccube (esclaves) voilà sûrement des majjube (perdus, inconscients), qu'ils aient été précédemment capturés par rapt ordinaire, ou pris à la guerre par leurs vainqueurs. Quoi qu'il en soit, arrachés à leur milieu social naturel, à leurs familles et traditions propres, les esclaves sont toujours transférés à l'inconnu, et c'est pour y prendre fatalement un rang inférieur à celui de leurs origines. Que relativement à sa situation sociale initiale l'esclave (maccudo) soit perdu (majjudo) comme individu, la conséquence est bonne et le fait indubitable. Sans doute, l'esclave parvient assez rapidement à s'adapter à sa condition servile, condition à laquelle tout naturellement sa descendance s'assimile encore davantage, sans ressentiment ni révolte. 

Les effectifs des esclaves toucouleur apparaissent encore importants, mais ils ont à coup sûr été supérieurs dans le passé : selon certaines estimations ils dépassaient même ceux de toutes les autres castes réunies. En fait, l'esclavage était jadis plus réel et irréversible, certaines familles notoires ayant possédé jusqu'à plusieurs milliers d'esclaves. Or, s'il désirait mettre fin à sa condition — l'abolition n'étant pas encore intervenue, et s'affranchir étant pour ainsi dire donné à fort peu de gens, à cause des prix élevés — l'esclave ne disposait que du seul marronnage (dogde). Mais, dans la majorité des cas la fuite de l'esclave débouchait sur une autre capture, par conséquent le transfert simple à un nouveau maître. Car, le fuyard devait certainement parcourir beaucoup de chemin pour rallier son pays d'origine, parce que ce pays était probablement éloigné. Sans compter que ledit fuyard ne connaissait peut-être pas ce chemin, ni parfois l'idiome local pour s'enquérir de la route : précisément, cette ignorance le désignait assez rapidement à l'attention cupide d'autres ravisseurs. Outre cette quasi-irréversibilité de la condition de l'esclave d'antan, il faut également songer que la richesse de jadis consistait essentiellement en esclaves, en ce sens que les esclaves étaient les producteurs non rétribués de cette richesse. Pour accroître ces richesses, il y avait donc nécessité de posséder le plus grand nombre d'esclaves, lesquels étaient par ailleurs monnaie courante, autant pour l'acquisition des terres et du bétail que dans l'échange matrimonial.


Cette valeur considérable et universelle de l'esclave faisait de chacun un esclave potentiel dans la société toucouleur. Car, l'on n'hésitait nullement dans son propre village à s'emparer d'un plus faible que soi, pour le vendre. D'autre part, l'on pouvait toujours par ce moyen commode se débarrasser sans retour d'un adversaire politique, voire d'un parent encombrant. Il suffisait de s'entendre avec des razzieurs professionnels et d'endormir la méfiance des futurs esclaves. Ceux-ci, ignorant que leur sort était déjà scellé, accompagnaient leurs vendeurs en un lieu apparemment anodin, mais convenu d'avance avec les razzieurs. Il ne restait plus à ces derniers qu'à opérer, payer le marchand-racoleur et s'éloigner. C'est ainsi que dans une seule journée intervenait la disparition de plusieurs personnes, et lorsque l'on s'apercevait du fait il était généralement trop tard, les disparus étant à plusieurs lieues du village.

 

Irréversibilité de la condition d'esclave, cupidité attisée par sa valeur monétaire universelle, et jungle sociale de l'époque : telles étaient les principales raisons de la croissance continue des effectifs de la caste servile.


Toutefois, d'un autre côté, la guerre se chargeait de réduire constamment lesdits effectifs, l'esclave étant également un conscrit de choix. Si la guerre le supprimait les conséquences sociales en étaient assez limitées. Par contre, si l'esclave remportait la victoire et gagnait de ce fait sa libération, les vaincus le remplaçaient dans les chaînes. A cet égard, les guerres saintes d'El Haaj Umar Taal furent, pour les esclaves originaires du Fuuta-Tooro, de véritables hécatombes à Ségou, Nioro, Kayes, Dinguiraye, etc. Mais, les guerres créèrent également le courant inverse, c'est-à-dire qu'elles drainaient vers le Fouta maints esclaves d'origines diverses : bambara, malinke, sarakolle, voire wolof.

 

La diversité de leurs origines géographiques, et leur instabilité familiale et sociale expliquent, conjointement, cette patronymie proprement illimitée et anarchique des esclaves. Ils étaient indifféremment intégrés au clan patronymique de leur maître — dont ils pouvaient fréquemment changer — ou bien ils conservaient le patronyme de leur origine ethnique, sinon se donnaient un nom fantaisiste pour celer cette origine noble, et tenter ainsi, au moins apparemment, de la soustraire à l'infamie de la condition servile.


Les esclaves toucouleur qui répondent aux patronymes de Keyta, Kulibali, Taraore, etc., sont de provenance malinke-bambara. Quand ils sont de souche peul-toucouleur, Baa, Dembele, Ja, Jallo, Soh, etc., constituent couramment leurs clans patronymiques. Les esclaves d'origine maure harattin (Hardaane) sont Faal, Hameyti, Jaabi, Jaany, Sy, etc., et les originaires de l'ethnie wolof, Joop, Njaay, Loom, etc., les sarakolle Kamara, Kebbe, ou Tunkara.
Il s'ensuit de leur instabilité sociale, et de leurs origines variables, que les esclaves n'ont pas à vrai dire de traditions spécifiques. Sans doute, jadis, toute collectivité d'esclaves ayant quelque importance numérique (par exemple, esclaves des petits souverains locaux et chefs provinciaux, ou encore esclaves des familles notoires), se voyait généralement désigner par son maître un jagodiin. Celui-ci était en quelque sorte le chef de la collectivité des esclaves, sur lesquels il avait tant soit peu d'ascendant. Il était chargé de la surveillance générale, et de la répartition des tâches, ainsi que des questions relatives à l'installation et à l'intendance.

Le jagodiin agissait au nom du maître commun, rendait à celui-ci des comptes quotidiens, en même temps qu'il prenait ses instructions et transmettait les doléances des esclaves. Le jagodiin demeurait cependant un esclave comme les autres, en dépit de certains privilèges attachés à la fonction qui lui était dévolue, fonction dont il était démis dès qu'il cessait d'avoir la confiance de son maître. En revanche, il est vraisemblable que tel jagodiin loyal et irréprochable par la qualité de ses services et de sa conduite, en était à la longue dûment récompensé par le maître, qui prononçait son affranchissement.

 

En ce qui concerne le labeur, les esclaves acquéraient pour unique spécialité professionnelle celle que voulait bien leur assigner le maître. D'où l'éventail quasi illimité du travail servile, les esclaves étant cultivateurs, bûcherons, palefreniers (suufaa), gardes du corps, maçons, charpentiers, domestiques, etc. Ils se livraient en outre à beaucoup d'autres activités, s'il est vrai que le labeur relève naturellement et par définition sociale de la compétence universelle de l'esclave, aux bras de fer, mais à l'esprit combien obtus (muddo) selon l'imagerie populaire.


A la longue, pourtant, les esclaves se spécialisaient dans certains secteurs du labeur social, soit par exemple comme tisserands (sanyoobe), ou encore comme tueurs et dépeceurs (huttoobe) d'animaux de boucherie. Néanmoins, la spécialisation professionnelle des esclaves de jadis ne profitera que bien plus tard à leur descendance : celle-ci finira par acquérir le loisir d'exercer librement et pour ainsi dire en permanence certains métiers qu'avaient appris et transmis les ascendants. Mais, il n'était pas pour autant question de se prévaloir desdits métiers pour s'intégrer aux castes correspondantes, et par conséquent échapper à la condition servile.

 

En tant qu'ils étaient d'une certaine manière assimilables à n'importe quel bien meuble, les esclaves ne pouvaient ni posséder ni hériter. Le cas échéant, ils étaient au contraire partie intégrante de l'héritage, demeurant par ailleurs transférables à la moindre occasion, soit à la suite d'une vente régulière ou d'une cession gratuite, soit encore parce qu'ils entraient dans la composition d'une quelconque prestation matrimoniale.


A ce dernier titre, il est à remarquer que la valeur monétaire de l'esclave — sans considération pour le sexe ou l'âge — était fixée au taux invariable de cinq vaches (kolce joy), à défaut de quoi un cheval pur sang (gool ou ndimaangu) pouvait faire l'affaire. Ainsi, pour obtenir jadis la main d'une femme de famille, il fallait pouvoir donner en compensation (tenGe) trois esclaves pour le moins. C'est seulement avec la raréfaction des esclaves que le bétail (15 vaches) prit le relais dans ce domaine des prestations matrimoniales. Actuellement, la dot toucouleur semble entièrement monétarisée, subissant des fluctuations considérables selon la caste des conjoints, les traditions des villages et des familles, également selon le milieu coutumier voire urbain, où se nouent les liens matrimoniaux.


Quant à l'esclave, il n'avait lui-même nulle prestation à acquitter pour se marier. Les conjoints esclaves comme leurs enfants à naître appartenant également à des propriétaires assignables, c'est par conséquent à ceux-ci qu'il incombait de prendre en charge les frais matrimoniaux correspondants. Il s'agit au reste de frais limités au strict minimum religieux (ruhu dinaari ou rubuc dinaari), qui est fixé à la valeur vénale d'un gramme d'or (nayaBal minkelde), au cours le plus récent du précieux métal.


A l'heure actuelle, l'on observe que si le consentement de leurs maîtres est encore requis pour l'union matrimoniale des esclaves, en revanche ces derniers devront acquitter eux-mêmes la dot réduite due par les hommes de la caste servile, sinon dépasser largement ce minimum pour obtenir la main de l'épouse. La dot réduite moyennant laquelle un esclave est uni à une esclave appartient naturellement au maître de celle-ci, de même que ledit maître a une option prioritaire sur les enfants issus du ménage.

 

Il est certain qu'en milieu social toucouleur l'esclavage a subi de très profondes mutations, singulièrement sous son aspect de dépendance vis-à-vis d'un maître. En revanche, il est notoire que l'esclave demeuré ad valorem au dernier degré de l'échelle sociale globale est toujours inférieur à l'individu de n'importe quelle autre caste considérée.


Toutefois, en matière économique, par exemple, l'esclave est aujourd'hui entièrement libre de son travail, dont le fruit lui appartiendra par conséquent en toute propriété. Quant au maître traditionnel il apparaît toujours plus nominal, et semble n'avoir plus droit depuis longtemps à la moindre prestation de service de l'esclave. Au reste, les rôles seraient à cet égard quelque peu inversés : l'esclave excipant de son infériorité et manifestant une allégeance superficielle demandera périodiquement des subsides et cadeaux au maître traditionnel dessaisi. Les relations actuelles du maître et de l'esclave toucouleur semblent avoir inauguré une certaine forme d'exploitation du premier par le second, qui aurait donc pris conscience de lui-même et du bénéfice à tirer de sa situation d'infériorité sociale.

 

En définitive, il apparaît que la catégorie servile existe encore dûment dans la société toucouleur. Elle y constitue un groupement effectif, une caste réelle pour ainsi dire, caste fortement organisée et quasiment endogame, à l'unique exception de l'esclave de sexe féminin qui peut devenir la concubine (taara) légale d'un homme appartenant à une autre caste.


Mais, il est incontestable que dans sa quasi-unanimité la caste des esclaves a cessé de s'identifier à la condition servile d'antan. C'est une rare minorité qui serait demeurée tant soit peu soumise (halfaabe). Et encore, les représentants de cette minorité s'en tiennent généralement à des accommodements (maslaha) courtois, et admettent difficilement d'obtempérer à des ordres extérieurs. Au demeurant, nulle personne avisée ne songera sérieusement à leur en donner: ce serait la meilleure manière de s'attirer une réplique injurieuse et sûre de son impunité. Car, il ne subsiste plus aucun moyen pour sévir contre l'esclave, s'il est vrai que les lois en vigueur nient formellement son existence.

L'on assiste par conséquent à une mutation radicale de la société toucouleur, encore que l'égalité entre les personnes soit seulement prônée par lesdites lois. Au-delà de celles-ci, il y a la réalité ethnique qui serait grosso modo la suivante : l'esclave toucouleur a tiré la conséquence de l'évolution sociale, en rompant unilatéralement avec la dépendance, mais la mentalité collective n'a pas varié, quant aux conceptions profondes. Aux termes de ces conceptions, les esclaves seront congénitalement, et en toutes circonstances, des êtres inférieurs. C'est dire que dans l'esprit du Toucouleur traditionaliste il n'existe aucune distinction entre les libérés sur parole (Daccanaabe Allah), auxquels leurs maîtres ont volontairement renoncé, les libertaires (tabbe-doggi), qui ne se reconnaissent plus aucun maître, et les affranchis (soottiibe), qui ont dûment acquitté le montant de leur rachat.



Photo 1348

Homme Maccudo

 

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Commentaires
S
en islam ca n'existe pas, les gens commetent une grande erreur en refusant de donner leur fille entre differente caste,changeons nos facons de penser on est tous des humains et egales devant dieu
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