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Au coeur du Sénégal ... Le Fouta
18 avril 2011

« Amkoullel l’enfant Peul » de Amadou Hampâté BA

 

« Amkoullel l’enfant Peul »

de Amadou Hampâté BA

 

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Passages de l’ouvrage relatant la Culture traditionnelle Africaine et plus spécifiquement la Culture, l’Histoire et l’Origine des Peuls et des Toucouleurs (Haal Pulaar).

 

 

« Un enfant Peul grandira dans une double fidélité : à un véritable code de l’honneur et à un total respect de la volonté maternelle. Le jeune peul, nourri du récit des hauts faits de ses ancêtres, devra régler sa conduite d’après un code moral exigeant ; il y aura donc des choses qu’un peul bien né refusera de faire.

Après l’honneur, voici la seconde partie du diptyque : la mère. Un peul peut désobéir à son père, jamais à sa mère. La règle est absolue. »

 

« En Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable de sa lignée, qui continue de vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement. C’est pourquoi, lorsqu’on veut honorer quelqu’un, on le salue en lançant plusieurs fois non pas son nom personnel (ce que l’on appellerait en Europe le prénom) mais le  nom de son clan : « Bâ ! Bâ ! » ou « Diallo ! Diallo ! » ou « Cissé ! Cissé ! » car ce n’est pas un individu isolé que l’on salue, mais, à travers lui, toute la lignée de ses ancêtres. »

 

« Pas si vite ! s’écriera sans doute le lecteur non Africain, peu familiarisé avec les grands noms de notre Histoire. « Avant d’aller plus loin, qu’est-ce donc, d’abord, que les Peuls, et que les Toucouleurs ? »

Commençons par mes ancêtres les Peuls. Si la question est facile à poser, il est peu aisé d’y répondre, car ce peuple pasteur nomade, qui a conduit ses troupeaux à travers toute l’Afrique de la savane au sud du Sahara depuis l’océan atlantique jusqu’à l’océan indien, et cela pendant des millénaires, constitue à proprement parler une énigme de l’Histoire. Nul n’a encore pu percer le mystère de ses origines. Les légendes et les traditions orale des Peuls font presque toute référence à une très antique origine orientale. Mais, selon les versions, cette origine est parfois Arabe, yéménite ou palestinienne, parfois Hébraïque, parfois plus lointaine encore, prenant sa source jusqu’en Inde. Nos traditions évoquent plusieurs courants migratoires venus « de l’Est » à des périodes très anciennes, et dont certains, traversant l’Afrique d’Est en Ouest, seraient arrivés jusqu’à la région du Fouta Toro, au Sénégal – région d’où beaucoup plus tard, à une époque plus proche de nous, ils repartiront vers l’Est en de nouveaux flux migratoires.

Quant aux savants et chercheurs européens, intrigués, peut-être par l’apparence physique des Peuls, par leur teint relativement clair (qui peut foncer selon le degré de métissage), leur nez long et droit et leur lèvres souvent assez fines, ils ont essayé, chacun selon sa discipline (histoire, linguistique, anthropologie, ethnologie), de trouver la solution de cette énigme. Chacun y est allé de son hypothèse, mettant parfois autant d’énergie à la défendre qu’à combattre celle des autres, mais aucun n’a apporté de réponse certaine. On s’accorde le plus souvent à donner aux Peuls, sans préciser davantage, une origine plus ou moins orientale avec un degré très varié de métissage entre un élément non nègre, sémitique ou hamitique, et les Noirs soudanais. Pour les historiens Africains modernes, les Peuls seraient d’origine purement Africaine.

Quoi qu’il en soit, et c’est là l’originalité profonde des Peuls, à travers le temps et l’espace, à travers les migrations, les métissages, les apports extérieurs et les inévitables adaptations aux milieux environnants, ils ont su rester eux-mêmes et préserver leur langue, leur fonds culturel très riche et, jusqu’à leur islamisation, leurs traditions religieuses et initiatiques propres, le tout lié à un sentiment aigu de leur identité et de leur noblesse. Sans doute ne savent-ils plus d’où ils viennent mais ils savent qui ils sont. « Le Peul se connaît lui-même », disent les Bambaras. »

« Au gré de mille circonstances historiques plus ou moins connues, les Peuls furent en effet éparpillés comme des feux follets dans toutes les zones herbeuses de la savane africaine au sud du sahara. « Partout présents, mais domiciliés nulle part », constamment à la recherche de nouveaux points d’eau et de riches pâturages, le jour ils poussaient devant eux leurs grands bœufs à bosse, aux cornes en forme de lyre ou de croissant de lune, et le soir ils se livraient à des joutes d’improvisation poétique. Tantôt opprimés, dispersés en diasporas ou fixés par force dans des zones de concentration, tantôt conquérants à leur tour et s’organisant en royaumes, ils parviendront après leur islamisation, à fonder de grands empires : entre autres l’Empire du Sokoto (région du Nigéria) fond au XVIIIème siècle par Ousmane dan Fodio, et l’Empire Peul du Macina (région du Mali) fondé au début du XIXème siècle par Cheikou Amadou, au cœur du fertile delta intérieur du Niger.

Des siècles avant la fondation de ce dernier empire, des vagues successives de Peuls pasteurs, venant surtout du Fouta Toro et du Ferlo Sénégalais, attirées par les vastes prairies herbeuses du Macina, étaient venues s’y fixer. »

« Quand, en 1818, Cheikou Amadou fonda dans le pays la dîna, ou Etat islamique, que les historiens ont appelée « l’empire peul théocratique du Macina », la population de tout le delta du Niger était déjà à dominante peule. Mes ancêtres paternels, les Bâ et les Hamsalah, qui occuperaient des fonctions de chefferie dans le Fakala, prêtèrent serment d’allégeance à Cheikou Amadou. Ils n’en continuaient  pas moins de pratiquer l’élevage, car aucun peul digne de ce nom, même sédentarisé, ne saurait vivre sans s’occuper plus ou moins d’un troupeau, non point tant pour des raisons économiques que par amour ancestral pour l’animal frère, presque sacré, qui fut son compagnon depuis l’aube des temps : « Un Peul sans troupeau est un prince sans couronne », dit l’adage.

La communauté de la dîna, créée sur le modèle de la première communauté musulmane de Médine, prospéra pendant vingt-huit ans sous la conduite éclairée de Cheikou Amadou. Celui-ci réussit à libérer les Peuls de la domination des souverains locaux, à les regrouper, et à les sédentariser plus ou moins au sein d’un état puissant et indépendant, et, ce qui n’était pas une petite affaire, à réglementer les dates et les trajets de transhumance du bétail en concertation avec les populations agricoles locales. Après sa mort en 1845 et celle de son fils Amadou-Cheikou en 1853, la situation de la communauté se dégrada sous le règne de son petit-fils Amadou-Amadou, lequel mourut en 1862, au cours des évènements qui accompagnèrent la prise de la capitale, Hamdallaye, par les armées toucouleures d’El Hadj Omar. L’empire peul du Macina, ou avait prospéré ma lignée paternelle, avait vécu.

Voilà qu’entrent maintenant en scène ces « Toucouleurs » dont le nom, par sa consonance même, étonne toujours un peu le lecteur profane. Une petite explication s’impose. Ce nom, qui n’a rien à voir avec une quelconque notion de couleur, dérive du mot Arabe ou Berbère Tekrour qui désignait jadis tout le pays du Fouta Toro Sénégalais. Les Maures (de langue Arabe) appelaient les habitants de ce pays Tekarir (sing. Tekrouri). Selon Maurice Delafosse, ce nom, déformé par la prononciation wolof en Tokoror ou Tokolor, devint, dans une ultime déformation phonétique française, toucouleur.

Au cours d’un processus historique lointain non élucidé, les habitants de ce pays, quoique d’ethnies différentes (sans doute à dominante Peule depuis leur arrivée massive dans le Fouta Toro, mais comptant aussi des Sérères, Wolofs, Soninkés, etc.) en vinrent tous à pratiquer la langue Peule, laquelle devint pour eux un facteur d’unité linguistique, voire culturelle. Le « peuple Toucouleur » n’est donc pas une ethnie au sens exact du mot mais un ensemble d’ethnies soudées par l’usage de la même langue et, au fil du temps, plus ou moins mêlées par voie de mariages. Les Toucouleurs eux-mêmes se désignent par le nom de Halpoular : « ceux qui parlent le poular » (c'est-à-dire le Peul). On les appelle aussi Foutanké : « Ceux du Fouta ».

Quant à la pure tradition peule, notamment religieuse et initiatique, elle s’est perpétuée chez les seuls Peuls pasteurs de « haute brousse », c'est-à-dire vivant loin des villes et des villages.

Les deux peuples qui, en cette année 1862, se combattirent dans le Macina aux abords de Hamdallaye avaient donc bien des points communs : la religion, la langue, parfois l’ethnie, et même le terroir originel puisque les ancètres des Peuls du Macina étaient venus, eux aussi, du Fouta Toro des siècles auparavant. Les « Peuls du Macina » et les « Toucouleurs » d’El Hadj Omar n’en constituait pas moins deux entités politiques distinctes. »

 

« Si j’avais respecté les règles de bienséance Africaine, c’est de ma mère que j’aurais dû parler en premier en commençant cet ouvrage, ne serait-ce que pour respecter l’adage Malien qui dit « Tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons, nous le devons une fois seulement à notre père, mais deux fois à notre mère ». L’homme, dit-on chez nous, n’est qu’un semeur distrait, alors que la mère est considérée comme l’atelier divin ou le créateur travaille directement, sans intermédiaire, pour former et mener à maturité une vie nouvelle. C’est pourquoi, en Afrique, la mère est respectée presque à l’égal d’une divinité. Que ma mère me pardonne donc de ne pas avoir commencé ce récit par elle en dépit de tout ce que je lui dois. »

 

« Quand enfin le mariage fut célébré, Tidjani se trouvait à Louta et ma mère à Bandiagara, ce qui n’était pas un inconvénient puisque, selon la coutume, les époux n’avaient pas besoin d’être présents à la cérémonie. Il suffisait que les cadeaux rituels, particulièrement la dot et les noix de cola, soient échangés en présence des témoins et des notables religieux et que ceux-ci récitent les versets du Coran appropriés pour que le mariage soit, comme on dit « noué » ou « attaché » - c’était d’ailleurs ce qui permettait parfois à certains parents de « nouer » un mariage en l’absence de leur enfant…. »

 

« Ces sept lettres étaient celles qui composent la formule coranique Bismillâh (au Nom de Dieu), que l’on trouve en tête de chacune des sourates du Coran et que les musulmans prononcent avant chaque geste ou acte important de leur Vie ».

 

« Il était alors impensable en Afrique, d’abandonner une femme seule telle une feuille volante, à plus forte raison si elle avait des enfants, ce qui l’aurait condamné à la misère ou à vivre aux crochets de sa propre famille, généralement de l’un de ses frères. La solution classique consistait à l’intégrer, par voie de mariage, dans un nouveau foyer ou elle retrouvait les droits légitimes d’une épouse, et ses enfants un père. Le mariage jouait alors, pour les femmes veuves ou divorcées et leurs enfants, un rôle de protection sociale. Après réunion du conseil de famille, si personne d’autre n’avait demandé la femme en mariage, on chargeait généralement un cousin ou un parent qui n’avait pas encore atteint les quatre épouses autorisées par la loi islamique de l’épouser. (Dans les sociétés traditionnelles Africaines, les veuves épousaient généralement l’un des frères du mari défunt.) »

 

« Certains lecteurs occidentaux s’étonneront peut-être que des gamins d’une moyenne d’âge de dix à douze ans puissent tenir des réunions de façon aussi réglementaire et en tenant un tel langage. C’est que tout ce que nous faisions tendait à imiter le comportement des adultes, et depuis notre âge le plus tendre le milieu dans lequel nous baignions était celui du verbe. Il ne se tenait pas de réunion, de palabre ni d’assemblée de justice (sauf les assemblées de guerre ou les réunions des sociétés secrètes) sans que nous y assistions, à condition de rester tranquilles et silencieux. Le langage d’alors était fleuri, exubérant, chargé d’images évocatrices, et les enfants, qui n’avaient ni leurs oreilles ni leur langue dans leur poche, n’avaient aucune peine à le reproduire. Les règles étaient-elles aussi empruntées au monde des adultes. La vie des enfants dans les associations d’âge constituait, en fait, un véritable apprentissage de la vie collective et des responsabilités, sous le regard discret mais vigilant des aînés qui en assuraient le parrainage ».

 

« Toute cette discipline ne visait nullement à torturer inutilement l’enfant, mais lui enseignait un art de vivre. Tenir les yeux baissés en présence des adultes, surtout des pères – c'est-à-dire les oncles et les amis du Père – c’était apprendre à se dominer et à résister à la curiosité. Manger devant soi, c’était se contenter de ce que l’on a. Ne pas parler, c’était maîtriser sa langue et s’exercer au silence : il faut savoir quand et ou parler. Ne pas prendre une nouvelle poignée de nourriture avant d’avoir terminé la précédente, c’était faire preuve de modération. Tenir le rebord du plat de la main gauche était un geste de politesse, il enseignait l’humilité. Eviter de se précipiter sur la nourriture, c’était apprendre la patience. Enfin, attendre de recevoir la viande à la fin du repas et ne pas se servir soi-même conduisaient à maîtriser son appétit et sa gourmandise.

En fait, même pour les adultes, le repas correspondait jadis – et encore aujourd’hui dans certaines familles traditionnelles – à tout un rituel. En Islam, comme en tradition Africaine, la nourriture était sacrée et le grand  plat commun, symbole de communion, était censé receler en son centre un foyer de bénédiction divine. »

 

« Le plus souvent, je restais après le dîner chez mon père Tidjani pour assister aux veillées. Pour les enfants, ces veillées étaient une véritable école vivante, car un maître conteur Africain ne se limitait pas à narrer des contes, il était également capable d’enseigner sur de nombreuses autres matières, surtout lorsqu’il s’agissait de traditionalistes confirmés comme Koullel, son maitre Modibo Koumba ou Danfo Siné de Bougouni. De tels hommes pouvaient aborder presque tous les champs de la connaissance d’alors car un « connaisseur » n’était jamais un spécialiste au sens moderne du mot, c’était plutôt une sorte de généraliste. La connaissance n’était pas compartimentée. Le même vieillard (au sens Africain du terme, c'est-à-dire celui qui connaît, même si tous ses cheveux ne sont pas blancs) pouvait avoir des connaissances approfondies aussi bien en religion ou en histoire qu’en sciences naturelles ou en sciences humaines de toutes sortes. C’était une connaissance plus ou moins globale selon la qualité de chacun, une sorte de vaste « science de la Vie », la Vie étant ici conçue comme une unité ou tout est relié, interdépendant et interagissant, ou matériel et spirituel ne sont jamais dissociés. L’enseignement, lui non plus, n’était jamais systématique, mais livré au gré des circonstances, selon les moments favorables ou l’attention de l’auditoire.

Le fait de n’avoir pas eu l’écriture n’a donc jamais privé l’Afrique d’avoir un passé, une Histoire et une culture. Comme le dira beaucoup plus tard mon maître Tierno Bokar : « L’écriture est une chose et le savoir en est une autre. L’écriture est la photographie du savoir, mais elle n’est pas le savoir lui-même. Le savoir est une lumière qui est en l’homme. Il est l’héritage de tout ce que les ancêtres ont pu connaître et qu’ils nous ont transmis en germe, tout comme le baobab est contenu en puissance dans sa graine. » 

 

« Après le baptême (cérémonie d’imposition du nom), la circoncision est la deuxième cérémonie publique de la vie d’un homme, la troisième étant le mariage. Comme le baptême, elle occasionne de nombreuses dépenses. La famille, aidée par les parents et les amis, s’y préparent longtemps à l’avance. Après la récolte, quand les greniers sont pleins et que les vents frais commencent à souffler, les vieux du village ou du quartier se concertent en vue d’organiser la cérémonie.

Généralement, les enfants à circoncire sont âgés de sept à quatorze ans. Pour les bambaras, l’âge idéal est de vingt et un ans, c'est-à-dire la fin du premier cycle de trois fois sept ans. Mais en fait elle a souvent lieu beaucoup plus tôt, en particulier quand l’enfant se sent prêt et en fait lui-même la demande, ne voulant plus être traité moqueusement par les autres de Bilakoro (incirconcis), terme qui constitue la plus grave des injures quand on l’adresse à un adulte, lui signifiant par-là qu’il n’est pas un homme.

Chez les Peuls de brousse, on aime que le futur circoncis ait déjà fait preuve de son courage, par exemple en allant délivrer un veau enlevé par une hyène ou une panthère, voire un lion.

En Islam, la circoncision du petit garçon a lieu le septième jour après sa naissance, en même temps que la cérémonie du baptême. Les peuls convertis à l’Islam ont reporté l’opération à sept ans, parfois même plus tard. »

 

« Pour la tradition Africaine ancienne, le prépuce est considéré comme un symbole de féminité dans la mesure ou il recouvre le pénis et l’enveloppe dans une sorte d’obscurité, car tout ce qui est féminin, maternel et germinatif s’accomplit et se développe dans le secret et l’obscurité des lieux clos, que ce soit dans le sein de la femme ou dans le sein de terre-mère. Une fois le garçon dépouillé de sa marque de féminité originelle, qu’il retrouvera plus tard chez sa compagne, il est censé devenir le support d’une « force » exclusivement masculine. »

 

« Cela n’a rien d’étonnant quand on pense que la plupart des enfants Africains, vivant dans des milieux ou cohabitaient généralement plusieurs communautés ethniques (il y avait à Bandiagara des Peuls, des Bambaras, des Dogons, des Haoussas …), étaient déjà peu ou prou polyglottes et habitués à absorber une nouvelle langue aussi facilement qu’une éponge s’imbibe de liquide. En l’absence de méthode, il leur suffisait de séjourner quelque temps au sein d’une ethnie étrangère  pour en parler la langue – ce qui est d’ailleurs encore valable aujourd’hui. Bien des adultes, réputés « illettrés » selon la conception occidentale, parlaient quatre ou cinq langues, en tout cas rarement moins de deux ou trois ; Tierno Bokar lui-même en parlait sept. S’y ajoutaient parfois l’Arabe et, maintenant, le français – ce dernier souvent parlé, il est vrai, à la façon piquante des tirailleurs, que l’on appelait le forofifon naspa. »

 

« Tout ce respect et cette générosité […] reposent en fait sur une tradition ancestrale d’hospitalité envers tout voyageur de passage. Jadis, dans l’Afrique de la savane – la seule dont je puisse parler véritablement parce que je la connais bien – n’importe quel voyageur arrivant dans un village inconnu n’avait qu’à se présenter au seuil de la première maison rencontrée et dire « Je suis l’hôte que Dieu vous envoie » pour qu’on le reçoive avec joie. On lui réservait la meilleure chambre, le meilleur lit et les meilleurs morceaux. Souvent même, le chef de famille ou le fils aîné lui abandonnait sa propre chambre pour aller dormir sur une natte dans le vestibule ou dans la cour. En échange, l’étranger de passage venait enrichir les veillées en racontant les chroniques historiques de son pays ou en relatant les évènements rencontrés au cours de ses pérégrinations. L’africain de la savane voyageant beaucoup à pied ou à cheval, il en résultait un échange permanent de connaissances de région à région. Cette coutume des « maisons ouvertes » permettait de circuler à travers tout le pays même sans moyens, comme je l’expérimenterai moi-même plus tard bien souvent. »

 

« Le fait de ne pas manifester publiquement ses sentiments envers ses enfants faisant partie des coutumes Africaines que les européens comprennent d’ailleurs assez mal. Chez nous, c’est aux oncles et aux tantes qu’il appartient de manifester extérieurement leur affection pour leurs neveux et nièces, qu’ils considèrent comme leurs propres enfants. Cette retenue traditionnelle est encore plus marquée chez les hauts personnages lorsqu’ils apparaissent en public. »

 

NOTES

               

« Dans la tradition Africaine, l’oncle paternel est considéré comme un père et est directement responsable de l’enfant. »



« Dans la formule « La ilaha ill’allah » (il n’y a de dieu que Dieu), les deux mots Arabes ilaha (dieu, divinité) et Al-lah (Le Dieu) sont de même racine, mais évoquent des dimensions différentes. La traduction la plus concise et la plus exacte serait : « pas de dieu, sauf Le Dieu » (et non, comme on le lit parfois : « Il n’y a de Dieu qu’Allah », l’introduction de deux mots de langues différentes opposés l’un à l’autre ne laissant la place qu’à une interprétation exclusive et très limitative). »

 

 

Par Amadou Hampâté BA

Recopié par Dawuda David DUPUY

 

 

 

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